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Admiral T

La voix du Dancehall antillais ...

Le son que l’on appelle »Dancehall«, petit fils du Reggae des seventies et fils du Rub-A-Dub digital des années 80, résonne depuis longtemps déjà dans la Caraïbe mais également depuis de bonnes années chez nous en Europe notamment grâce à des artistes antillais comme Daddy Yod ou Raggasonic (France) et tous les Shabba, Chacka, Plyers, Buju, Capleton…Ces artistes ont bercé la plupart des jeunes Caribéens des deux dernières décennies. Aujourd’hui, aux Antilles françaises (Guadeloupe, Martinique), le niveau des DJs ou Toasters (c’est comme cela que l’on nomme les adeptes de ce style) se mesure à la rapidité de leur flow ou vitesse à laquelle ils font déferler leurs textes sur les riddims …Tout comme Elvis dans le Rock’n’Roll, s’il est un roi dans le Dancehall antillais ces derniers temps, c’est bien Admiral T. Ce jeune DJ, issu des ghettos de Pointe-à-Pitre sur l’île française de la Guadeloupe, distille un Dancehall très hétéroclite, très »créole« … Après l’énorme succès non escompté, en France, de son premier album »Mozaïk Kréyol«, Admiral nous revient avec un nouveau chef d\’oeuvre intitulé « Toucher l’Horizon » … Lors de sa dernière tournée en France, Admiral T a accepté de répondre à nos questions.

Comment as-tu commencé à chanter?

Ben, ça m’est venu tout bêtement. Dans ma famille on écoutait beaucoup de musique, mais c’est plus mon frère qui m’a initié à ça car il achetait déjà beaucoup de CDs …

C’est de ton frère qui fait partie d’Arawak Sound System (Champion de France des Sound Systems 2005) dont tu parles?

C’est ça, DJ Jerry. Il m’a initié au Reggae, au Dancehall … En ce temps là c’était plus les Lovers comme Glen Washington qui étaient à la mode … Ensuite j’ai commencé à vraiment m’intéresser au son jamaïcain et puis j’ai écrit mes propres textes. C’était il y a une dizaine d’années.

Et parmi les artistes jamaïcains ou antillais de l’époque, lesquels t’ont vraiment le plus influencé?

En ce temps là, il y avait vraiment beaucoup de monde. Dans les Lovers Glen Washington, Admiral Tibett, Lucky D … Au niveau Dancehall, c’était des Buju Banton, Bounty Killer qui arrivait, Shabba Ranks, Beenie Man … Pour la Guadeloupe Daddy Yod … Donc j’ai vraiment eu pas mal d’influences …

Si tu devais présenter la Guadeloupe à un Autrichien, comment la définirais-tu?

La Guadeloupe est une île française de la Caraïbe entre la Dominique et Saint Martin (mais en Autriche, ça ne vous dira sûrement rien … rires). Mais nous avons notre propre culture, le Kréyol. On parle Créole, on mange Créole, on vit Créole en fait … C’est une île où les gens se cherchent un peu. On a une histoire avec l’esclavage qui est très spéciale. C’est une communauté qui est assez récente si on réfléchit. Ce n’est pas une vieille culture comme en Europe. On est là depuis l’esclavage. C’est donc un peuple très métissé. Il y a les Indiens, les Africains, les fils d’esclavagistes blancs que l’on appelle les Békés. C’est très mélangé et le climat social est un peu rude, il y a beaucoup de chômage … C’est pour cela que l’on trouve beaucoup d’Antillais en France. Ils viennent ici pour chercher du boulot. Et pour la musique, c’est pareil. Le marché est tellement petit là-bas que de nombreux chanteurs viennent ici, s’installent même carrément pour essayer de toucher le plus grand nombre de gens possible avec leur musique. Mais sinon c’est une île très agréable à vivre avec le soleil et tout ce qui va avec.

J’ai remarqué que certaines Mixtapes du Karukera Sound System tournaient en Autriche et dès que l’on parle de Dancehall français, c’est le nom qui vient le plus souvent ici … Fais-tu toujours partie de ce Crew au sein duquel tu as fait tes premières armes?

Le KSS (Karukera Sound System) est un Sound System qui a été créé en 1994 et à la base il y avait une douzaine de chanteurs et DJs. Avec le temps, tout le monde a fait son bout de chemin seul. Maintenant, c’est plus un petit collectif qui s’est engagé dans la production. On s’est beaucoup concentrés sur mon album, on ne fait plus vraiment de Sound Systems. Par contre, il n’y a pas longtemps, on a sorti un album pour la commémoration de l’abolition de l’esclavage et on a fait une grande manifestation au Zénith de Paris avec plein de chanteurs connus …

Mais les autres membres du KSS ont-ils vraiment participé à la création de ton album ?

Oui, mon manager, c’est celui qui s’occupait de la paperasse dans le KSS. En fait, c’est toujours la même équipe. On ne dit plus vraiment que c’est le KSS, mais on est toujours là. C’est vrai que dernièrement c’est plus Admiral T qui est mis en avant avec le nouvel album … Maintenant il y a aussi Don Miguel (producteur martiniquais) qui fait partie de l’équipe, ma femme, mon frère, nous formons tous une équipe!

Parlons un peu de ce nouvel album. J’ai remarqué que sur »Toucher l’Horizon«, il y avait beaucoup moins de titres Roots Reggae que sur ton premier album »Mozaïk Kréyol« …

C’est la vibe que j’avais. C’est vrai que je n’ai pas mis beaucoup de Reggae, j’ai plutôt voulu faire un mix de trucs qui me correspondent tous. Je n’ai pas voulu faire un truc comme le premier album. J’avais plus envie d’élargir ma musique, d’élargir le truc. Il y a du Zouk, du R’n’B, du Dancehall, un délire R’n’B / Dancehall avec »Pas de temps à perdre« … J’ai voulu mélanger un peu pour donner une couleur spéciale à ma musique.

En parlant de couleur au niveau musical, comment expliques-tu qu’en Europe les gens soient repassés à une vibe plus Roots avec le renouveau du style »One Drop« ou »Conscious« et des artistes comme Richie Spice, Lutan Fyah, Nanko … alors qu’en Guadeloupe, les jeunes sont à fond dans le Dancehall?

En fait, c’est vrai que les jeunes aiment beaucoup le Dancehall mais il y a beaucoup de monde qui continue d’adorer le Reggae. Il faut dire que c’est toujours un peu la Jamaïque qui mène la danse à ce niveau. Dernièrement il y a eu pas mal de production d’instrumentales Reggae de très grande qualité, donc on entend beaucoup parler de ces artistes que tu viens de citer … c’est un peu comme ça en fait, quand certaines productions marchent bien, cela crée un tendance et puis ensuite il y a une autre série de bonnes productions dans un style différent qui sort, et là, ça crée une autre tendance … C’est ça, c’est vraiment juste une histoire de tendances … car je peux te dire qu’en Guadeloupe il y a quand même des gens qui sont très branchés Reggae … Après, c’est vrai qu’il y a une nouvelle génération Dancehall, et surtout Dancehall Créole puisqu’il y a une certaine couleur. Il y a beaucoup d’artistes qui ont cette couleur, qui viennent des Antilles et qui représentent ça ici aussi … donc leur public grandit et ce sont des gens qui ne connaissent pas spécialement le Reggae en fait, ils écoutent beaucoup de Dancehall sans connaître l’histoire de cette musique. C’est pour cela que moi je tiens toujours à leur rappeler ça. Le Dancehall vient du Reggae donc je ne vais pas faire que du Boom Boom, il faut dire à ces jeunes qui grandissent qu’il y a le Reggae aussi …

Ok, pour en revenir à ton album maintenant, il y a ce titre »Retour au pays natal« … cette chanson ne touche pas seulement les Antillais mais tous les immigrés et fils d’immigrés de tous les horizons … Qu’est ce qui t’as inspiré ce lyrics?

Et bien il y a beaucoup d’Antillais qui vivent ici. Ils sont venus au départ pour chercher du boulot, d’autres pour les études car la réalité là-bas est telle qu’il n’y a pas de grandes écoles et souvent tu es obligé de venir ici pour continuer tes études donc c’est vrai que beaucoup de jeunes s’installent ici. Une fois que tu as du travail, que tu as t
a maison, ta vie ici … et qu’ensuite quand tu commences à sentir la nostalgie, tu te rends compte qu’il faut tout recommencer à zéro … On sait quelle est la situation là-bas au niveau du chômage … donc c’est vrai que de nombreuses personnes aimeraient repartir, demander une mutation, ce qui n’est vraiment pas simple … J’ai voulu exprimer tout ça au travers d’un morceau … et il est vrai que ça touche toutes les personnes d’origine étrangère … les Africains, les Maghrébins, les Européens …

Yes, et sur ton album il y a aussile morceau »Fos A Péyi La« avec le groupe de Zouk »Kassav’«, pour moi le meilleur morceau de l’album. Tu avais déjà enregistré une version de ton hit »Gwadada« avec le groupe de percussions traditionnelles antillaises Akyio. Est-ce vraiment important pour toi de mêler la vibes Dancehall avec les rythmes traditionnels antillais?

Mais oui, c’est ça qui apporte ma couleur. Quand je suis allé en Jamaïque il y a deux ans et que les gens m’ont entendu chanté, ce qu’ils ont retenu c’est que j’avais une couleur bien spéciale … Ils voyaient qu’il y avait un apport du Reggae jamaïquain, du Dancehall jamaïquain dans ma musique mais c’était pas leur truc à eux. Je pense que les gens sont intéressés par ce que tu fais dès l’instant où tu as ta propre couleur … et pour moi c’est naturel de faire ce genre de trucs.

En plus, ce qui est bien c’est que cette musique est un moyen de mieux faire accepter le Dancehall au public antillais plus vieux pour qui il reste synonyme de drogue et de violence …

Bah en fait moi je ne fais pas ça dans ce but-là … C’est vraiment parce que je joue au Ka (percussion traditionnelle antillaise), j’aime cet instrument et musicalement c’est ce que j’ai envie de faire ça, j’aime ça … Maintenant si ça peut permettre de toucher plus de gens…Mais bon, c’est en train de changer, les gens maintenant savent ce qu’est le Dancehall…avec le succès international de Sean Paul … ce n’est plus comme il y a dix ans où on galérait vraiment … ça facilite beaucoup de choses …

Links:
Admiral T: http://admiralt-lesite.artistes.universalmusic.fr/
Kassav‘: http://www.kassavmusic.com
Guadeloupe: http://de.wikipedia.org/wiki/Guadeloupe

Home / Musik / Artikel

Text
Frank De Carvalho

Veröffentlichung
10.12.2006

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