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Roy Eldridge – Le Roy, la Reine et la Couronne

»The Complete Verve Roy Eldridge Studio Sessions« (Coffret huit disques plus livret et photos) - Mosaic/Universal

Pour un artiste, le coffret d'intégrale c'est souvent l'occasion d'une consécration, d'une mort ou d'un point final. Pas toujours, ni pour tous. Mais pour l'immense Trompettiste que fut et reste Roy Eldridge, voilà que ces sept CDs superbement présentés sonnent l'heure d'un retour ô combien attendu. Lâchez les chiens, mais virez-moi ces horribles cors de chasse!

Ca y est, les derniers morceaux du septième disque vont bientôt se terminer et déjà l’on se demande comment poursuivre. Après tout, dans le cas d’un artiste comme Roy Eldridge, démarrer une intégrale en août 1951 pour la finir début juin 60 c’est presque un appel à une suite.
Vous connaissiez Eldridge vous? Non, pas du tout ? Ah bon … je croyais. Et ça vous dirait pas d’essayer? Le jazz, c’est un drame. Toujours on en veut plus, puis on veut tout et même un peu plus. Des inédits, des concerts (même mal enregistrés, peu importe), des intégrales, puis des intégrales d‘ intégrales et pour finir des sélections best of d’intégrales. Et j’ai jamais bien su si c’était le jazz lui-même ou ses afficionados qui voulaient ça. Le fait est que lorsqu’on entre en Jazzophilie, il y a comme un tourbillon de l‘ histoire qui vous emporte et qui très vite vous cristalise autour de quelques artistes mythiques ou même plus simplement impensables. Et cela commence toujours de la même facon cette histoire-lá. D’abord un disque acheté, presque par hasard ou sur les conseils d’un plus ancien que vous, puis paf, le coup de foudre. Et voilá que jusqu’á la fin de vos jours vous en serez encore à eplucher des livrets écrits trop petit pour voir si par le plus grand des hasards, il n’y aurait pas sur cette édition-lá, ce CD-ci, un petit titre inédit ou introuvable avec l’une de vos idoles dessus. Roy Eldridge, je ne sais pas pourquoi n’a jamais été dans les premiers choix des collectioneurs et c’est dommage. Eldridge, trompettiste de génie, chanteur parfois, de temps en temps leader et surtout jusqu’à ce que Norman Granz et ses diverses productions ne réussissent à imposer le Jazz dans les salles de concerts (Jazz at the Philarmonic), à la radio et dans l’industrie du disque, était un musicien pour musiciens, comme on dit. L’estime de tous ses pairs était enorme, son talent indiscutable, Dizzy Gillespie encore jeune apprenti aurait tout donné pour être le Roy à la place du Roy, mais tout cela restait quand même au niveau du public jazz ou des cercles de musiciens. Eldridge, c‘ est l‘ histoire du jazz en un seul homme. Les débuts, les grands orchestres, le swing puis la route vers le bop ou la période jam session des JATP oú anciens et modernes se mélangent encore. Un son superbe, qui lui aussi est d’avant comme d’après, ni Armstrong ni Clifford Brown. Un sens du jeu d’ensemble qui oscille entre les chorus nouvelle Orléans, les riffs à la Kansas City puis le phrasé serré, tendu mais souple du Bop.

Le Roy, c’est aussi et avant tout les ballades, les tempi mediums, un son cuivré, des sourdines au bord de l’implosion, le pavillon de la trompette qui propage les notes vers le haut du ciel et le bas du swing. Allez, quelques perles pour la bonne bouche: Un Jumbo the Elephant de 51 avec son Orchestra, des drôles de séances en 53 avec Oscar Peterson à l’orgue, Jo Jones à la batterie, Ray Brown toujours à la basse, plus quelques guitaristes blanbecs tels Herb Ellis ou Kessel. La série des trompettistes de 54 à 56 avec Dizzy Gillespie, Harry Sweets Edison et toujours en rythmique mais de chez Verve : Le trio d’Oscar Peterson. En 1955, Los Angeles, le 23 mars une superbe séance avec Benny Carter et un trio côte ouest un peu discret mais rien de grave. Le 3 Juin 1956 à NYC par contre une pure merveille (revival ou pas?)

Roy Eldridge and his Central Plazza Dixielanders et attention: Jo Jones (batterie), Walter Page (basse), Dick Wellstood (piano), Eddie Barefield (clarinette) et Benny Morton (trombone). Et l’on termine comme toujours avec des cordes sirupeuses, Russel Garcia, 1957 et un gentil quartet enregistré en juin 1960 probablement assez rapidement pendant l’après-midi. Dans l’introduction à ses études et analyses critiques sur les origines du Jazz, Gunther Schuller note un fait central à savoir que la plupart des livres et articles sur cette musique sont toujours écrits par des amateurs en extase sans la moindre notion proprement critique ou analytique. C’est un véritable problème effectivement auquel il faudrait songer à s’attaquer, ce que je fais absolument pas ici. J’en profite aussi pour vous apprendre la triste nouvelle, le grand Frank Tenot (notre Norman Granz Français, à moins que ce ne soit notre Nat Hentoff) vient de nous quitter. Il aurait lui aussi ecouté ce coffret dans son bureau si la vie lui en avait donné le temps. Alors, on y va!

Frank de Carvalho / redaction web
Traduction pour la parution allemande dans skug Vol. 58, 3-5/2004: Alessandro Barberi

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