»Qu\’est-ce que le concept de défense? Parer un coup. Quel est alors son signe caractéristique? L\’attente de ce coup.« (De la guerre Carl Von Clausewitz)
»Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux.« (La sociéte du spectacle Guy Debord)
Il aura donc fallu tout ce temps avant qu\’un président, du pays dont le peuple ne se nomme pas, découvre ce que »guerre« voulait dire de monstrueux. Le sens des mots et de l\’histoire, c\’est long. Guerre contre le terrorisme ou bien terrorisme contre la guerre ?
Ce 11 septembre, à New York, par une riposte hautement stratégique et meurtrière la Nation qui voulait être monde a dans l\’horreur dû apprendre : le réel, l\’autre, la guerre, la mort-sans doûte aussi: le sens de l\’image, du temps et de la différence. Cet Empire qui se croyait un droit de regard sur le monde entier, si souvent au mépris de l\’ensemble des autres vies, cultures, croyances, pensées, a traversé son propre écran. Le degré zéro de l\’image-marchandise est advenu, se retournant dans la dévastation et le sang contre ses créateurs et exploitants. A nier si systématiquement l’existence de l\’autre-différent, tout peut arriver »différemment«. Le »rêve Américain« béant, l\’image ne prend plus, la projection devient un revolver sans balles, la diffusion une arme a double tranchant. Pourtant, cette peur pathologique de l\’autre en soi, cette véritable angoisse de l\’étranger, il n\’y avait qu\’à regarder le cinéma des studios américains pour la savoir.
(Je me souviens de cette séance a New York du »Mépris« de Godard où la salle riait convulsivement à chaque apparition de Jack Palance à l\’écran … glacial). Lorsque l\’autre est un monstre inconnu, on peut craindre sa propre nuit intérieure avec certitude. Ce peuple élevé dans le culte de l\’enfance volée, à reproduire sous toute forme, sans cesse et sans aucune limite, ne pouvait qu\’accéder qu\’à deux types de drames: la névrose infantile ou la crise
d\’adolescence. Le réel vient de s\’erriger tout autrement. »Le Réel c’est ce qui dépasse« disait Lacan, et l\’on vient de voir ce »qui«, qui dépasse terriblement.
Cet étranger, le frère cauchemardesque, celui qu\’on disait: E.T., Godzilla, Twister, Alien ou Jaws, l\’autre, quoi, n\’a pas trouvé ses »Starship Troopers« pour se réveiller à temps. Voilà que l\’autre se revendique de dépasser aussi et qu\’il lui faut être d\’une impensable violence pour qu\’on l\’entende, enfin. »Cette démocratie si parfaite fabrique elle-même son inconcevable ennemi, le terrorisme« écrivait Guy Debord dans »Commentaires sur la société du spectacle«. Le drame est bien loin d\’être terminé car passés le deuil et les ruines, vont se révéler d\’autres misères et réalités encore plus profondes. C\’est le sens même donné au sens, au langage, qu\’il va falloir réviser ou créer. Non, il n\’y a pas eu de guerre à Hiroshima, au Vietnam, à Bagdad. Pas de diplomatie ou de démocratie au Proche-Orient ou en Amérique latine, et quelles politiques avec la Chine, la Russie, l\’Europe, quels plans pour Cuba, l\’Afghanistan, Israël ou la Bosnie, comme si il s\’agissait de "simples Etats" ? La politique étrangère, oui : étrangère à l’étranger lui-même.
La force, l\’humiliation, les guerres, pour raisons et intérêts d\’un seul Etat, d\’un seul système, ne peuvent éternellement durer, sans que les opprimés décident de renverser le sens de l\’histoire, un jour ou l\’autre. Alors, quelles différences ? Que l’Islam ne frappe pas encore de monnaie avec des »In God we trust«, que l\’ultra-libéralisme c\’est aussi la précarité des masses et des deux tiers de l\’humanité, que le progrés et la marchandise outrancière sont des valeurs et pas une croyance, que ça ne se partage pas mais que ça se vend.
Que le sentiment d\’être un peuple ne se limitera jamais à des parts de marchés, que l\’ignorance crasse de l\’autre au nom de sa propre superiorité économique est une forme de guerre, que l\’internet était bien une invention militaire, que le World Trade Center comme le Pentagone n\’étaient pas pour tout le monde des lieux de progrès, de paix et d\’innocence, que l\’impérialisme est aussi un tigre de papier. La paix était visiblement une utopie, on pouvait s\’inspirer de l’histoire mais on ne l\’a pas fait une fois encore. A la sinistre logique du »qui perd gagne«, on ne peut s\’attendre qu\’au pire. Comme toujours, la laideur et la haine risquent de l\’emporter. Le progrés se sera résumé à ce que des gens qui vont mourrir encastrés dans quelques minutes puissent appeler une dernière fois leur famille.
On en est là !